Innovation au Domaine Cazes : Un Projet Viti-forestier Agrivoltaïque pour une Viticulture Durable

, , , ,

La Chaire AgroSYS est fière de soutenir des projets de recherche qui façonnent l’avenir de l’agriculture. C’est dans cette optique que nous mettons en lumière le travail remarquable de Thomas Cazin, Samuel Saulais et Simon Lepage, étudiants en 3ème année à l’Institut Agro. Leur étude, réalisée sur le dernier trimestre 2023, encadrée par Valentina Alessandria et Louise Nicourt, propose une conception innovante d’un système viti-forestier sous un dispositif agrivoltaïque. Ce projet représente une avancée significative pour l’adaptation de la viticulture aux défis climatiques actuels.

Contexte et Problématique

Le Domaine Cazes, une exploitation viticole de 220 hectares engagée dans l’agriculture biologique et biodynamique à Rivesaltes, prévoit l’installation d’un système agrivoltaïque d’ici 2027 sur une parcelle de 8,2 hectares. Cette transition soulève une question centrale : comment intégrer des cultures secondaires économiquement viables sous les rangs des persiennes solaires dynamiques ?.

Les objectifs de cette étude étaient multiples :

  • Adapter la viticulture au contexte pédoclimatique et au microclimat créé par les panneaux solaires.
  • Limiter les stress radiatifs, hydriques et thermiques sur la vigne.
  • Développer des productions secondaires complémentaires.
  • Maximiser la biodiversité auxiliaire pour une régulation naturelle des populations de ravageurs.
  • Favoriser des espèces locales.

Le projet a dû naviguer entre plusieurs contraintes importantes, notamment la prédominance de la vigne comme objectif principal, les limites d’espace entre les rangs, l’ombrage potentiel, les spécificités du sol, la hauteur maximale sous les panneaux (4,5 mètres), la disponibilité de la main-d’œuvre viticole et la nécessité d’assurer la rentabilité globale du système.

Une Démarche de Conception Innovante

Pour répondre à cette problématique complexe, l’équipe a adopté une démarche de conception De Novo, réévaluant le système existant pour créer de « nouveaux possibles ». Après une exploration rigoureuse, deux espèces ont été sélectionnées pour leur potentiel à prospérer dans ce nouvel environnement et à offrir des services écologiques et économiques :

  1. L’Achillée Millefeuille
  2. Le Coing (Cognassier)

Des pistes initiales, comme la grenade et d’autres plantes à parfum, aromatiques et médicinales (PPAM), ont été écartées. La grenade, par exemple, exigeait trop de soleil et sa récolte aurait coïncidé avec les vendanges, sans compter les contraintes de hauteur sous les panneaux. D’autres PPAM demandaient trop de main-d’œuvre et risquaient de modifier les qualités organoleptiques du vin.

Les Atouts des Espèces Choisies

Les choix de l’Achillée Millefeuille et du Coing ont été motivés par leurs multiples avantages :

  • Achillée Millefeuille :

    • Grande résilience et faibles besoins en eau et nutriments.
    • Utilisée dans les traitements biodynamiques du Domaine, notamment pour ses propriétés antifongiques et stimulantes des défenses naturelles de la vigne.
    • Faibles coûts en graines et capacité à se propager facilement.
    • Favorise la biodiversité auxiliaire, attirant parasitoïdes et prédateurs des ravageurs de la vigne.
    • Est reconnue comme bio-stimulant.
    • Densité envisagée : 25 000 plantes sur 8,2 hectares, soit environ 14 plants/m² entre les poteaux des persiennes solaires.
  • Coing :

    • Bonne résilience et faibles besoins en eau.
    • Peu d’entretien et potentiel de mécanisation.
    • Supporte bien la chaleur et résiste à la sécheresse, s’adapte à divers types de sols.
    • Les fruits sont destinés à la transformation (compotes, gelées, pâtes de fruits).
    • La conduite en espalier (palmette oblique croisée) est envisagée pour optimiser l’espace sous les panneaux et limiter la compétition.
    • Densité envisagée : 1541 arbres sur 8,2 hectares.

L’association de ces deux cultures est particulièrement prometteuse. Elle permettra de créer des réseaux mycorhiziens entre la vigne et les cultures secondaires, d’améliorer la vie microbienne du sol et de limiter la compétition pour l’eau et la lumière. Les cognassiers pourront également offrir une protection ombragée à l’achillée, sensible aux fortes chaleurs.

Viabilité Économique et Évaluation du Système

Le projet a fait l’objet d’évaluations rigoureuses pour assurer sa viabilité.

  • Viabilité économique :
    • L’Achillée Millefeuille pourrait générer un revenu d’environ 1827 euros par an après déduction des besoins internes de l’exploitation, avec un rendement d’environ 90 kg de matière sèche sous panneaux. Le coût des semences est très faible.
    • Le Coing présente un potentiel de revenus significatif, passant de 7 951 €/an pour des arbres jeunes (3-6 ans) à près de 49 742 €/an pour des arbres matures (19-40 ans), avec un prix de vente estimé à 2€/kg. Bien que l’investissement initial en plants de coing soit conséquent (environ 100 165 € pour 1541 arbres), l’étude considère la rentabilité du système globale.
  • Bilan Humique : Grâce aux résidus des cultures secondaires (bois de coing et achillée), le système innovant permet de maintenir, voire d’améliorer, le stock de matière organique du sol, contrairement au système initial qui montrait un solde d’humus négatif.
  • Bilan Azoté : Bien que les apports d’engrais ne couvrent pas entièrement les besoins des cultures, la minéralisation de la matière organique du sol apporte 60 kg N/ha, ce qui est suffisant pour couvrir les besoins des cultures et compenser la « faim d’azote » liée à la minéralisation des résidus.
  • Bilan Hydrique : L’hypothèse d’une diminution de l’évapotranspiration jusqu’à 40% sous les panneaux solaires est un facteur clé pour la gestion de l’eau, contribuant à limiter le stress hydrique.

Conclusion et Perspectives

En somme, ce projet démontre une approche agronomiquement et financièrement viable pour l’intégration de cultures secondaires sous agrivoltaïsme. Il propose une solution innovante pour les domaines viticoles souhaitant s’adapter au changement climatique tout en diversifiant leurs productions et en renforçant la biodiversité.

Des évaluations post-implantation seront nécessaires pour affiner les modèles. Les prochaines étapes incluent notamment un bilan radiatif détaillé, des cartographies racinaires pour observer la concurrence, et des réflexions approfondies sur la conduite spécifique des cognassiers.

La Chaire AgroSYS est fière d’appuyer ces initiatives qui promeuvent une agriculture plus résiliente et durable. Ce projet au Domaine Cazes est un exemple concret de l’innovation au service de la transition écologique de nos systèmes agricoles.

 

Pour en savoir plus, consultez le mémoire associé à ce stage.